Sur les bords de la Garonne, là où Vanille vit, le climat est propice à l’introspection et à l’écriture. Ce dont elle avait besoin pour se plonger dans son second album : À part entière. Du nom de sa chanson inaugurale, mais pas seulement… Car Vanille raconte ici ce qu’est de s’affirmer dans sa singularité.
Après ses débuts à écumer les cafés concerts et les bars pour chanter, la guitare en bandoulière, la musicienne française a gagné de l’assurance grâce à son premier album, Amazona. Si elle en est fière, elle n’avait pas encore réussi à totalement imposer son désir d’épure tant sur les textures que les arrangements. De plus, le disque présentait des morceaux écrits il y a parfois très longtemps alors qu’À part entière, lui, se voulait « une petite partie de vie condensée en émotions sur 11 titres », comme le résume la musicienne : « Je n’écris que sur ce que je ressens ou sur ce que mes proches traversent, en tout cas d’un vécu très personnel ».
L’amour est le cœur narratif de ce disque. Amical, fraternel, maternel… Fière de son métissage hérité d’une grand-mère guadeloupéenne, Vanille est aussi attachée à ses racines corses, dont elle tient un sens très fort de la tribu. Ce qui s’entend dans la chaleureuse texture de ses chansons. Dès l’ouverture « À part entière », elle affirme son identité, refusant de se façonner en fonction des autres ou de la société, ce que confirme « Plus forte ». Avec « Toute à toi », « Mon pays » et « Quelqu’un », elle chante les joies d’être amoureux, et, avec « Un amour indestructible », l’affection qu’elle a pour son frère. Mais avec « En boucle », elle habille du plus poétique des slams les reproches qu’on ressasse en couple. La gravité pointe ici et là : tandis que « Ton Visage » décrypte le sentiment de ne plus reconnaître celui qu’on aime, « Une ombre », lui, dénonce avec subtilité les pièges de la violence conjugale. Il a été inspiré par le récent décès d’une amie sous les coups de son mari. Et, sur « Déraciné », Vanille chante le mal du pays de ceux qui sont loin de chez eux, le père de son bébé en faisant partie.
Lequel s’appelle Robinho Tavares, rencontré au Brésil sur l’enregistrement d’Amazona. Ensemble, en Gironde, ils ont enregistré toutes les maquettes d’À Part entière, des rythmiques aux claviers en passant par les lignes de basses. Sans oublier la guitare chère à Vanille, son instrument de cœur. Elle a ensuite demandé à Bertrand Fresel (qui a travaillé avec Feu ! Chatterton ou Philippe Katerine), d’assurer la co-réalisation de l’album, enregistré entre le Manoir de Léon, dans les Landes et le studio de Fresel, à quelques enjambées de Paris : « À part entière est honnête et personnel, commente Vanille, j’avais besoin que sa profondeur sentimentale se ressente dans le son d’une guitare ou d’une reverbe… »
Ainsi, le folk-pop métissé de Vanille, riche d’origines plurielles, ne se manifeste plus qu’au creux de sa substantifique moelle, et de son refus des fioritures. Et va droit au cœur. On y entend ses influences de toujours : Barbara, Brel, Devendra Banhart, Caetano Veloso, Chico Buarque, Rodrigo Amarante, l’exotica, Gainsbourg également, convoqué par la basse de Robinho Tavares. Dans la musique brésilienne, Vanille apprécie le contraste entre la mélancolie et les tempos relevés, la profondeur et la gaîté. Grande lectrice, elle confesse aussi tirer son inspiration de la littérature, de Marguerite Duras à Gabriel Tallent. Et si les chansons de Vanille constituaient la bande sonore du grand roman écrit par nos propres vies ?